Le retour des Tetons

2 octobre 2017

Suite à ma visite en 2015 (http://chadurif.fr/blogs/92/grand-teton-national-park-wyoming-usa), j’ai gardé un très bon souvenir de la vie dans la montagne dans le massif du grand Teton, à grimper, développer des blocs ou voies et randonner ! Après la fin de ma thèse, cela me semblait une bonne opportunité pour y retourner quelques semaines, explorer d’autres facettes du massif.


Death Canyon

L’an passé, ce canyon a été bien exploité par Josh et les locaux, et de nombreux blocs y ont été développés. Il s’accède en se garant au parking « Death Canyon Trailhead » . Pour info, les derniers kilomètres en voiture se font sur une piste bien abîmée, mais ça passe en allant doucement avec tous types de voitures (même celles au bas de caisse bas). De là suivre le sentier indiquant Death Canyon, puis au bout d’1h30 à 2h de marche environ (suivant le poids des sacs), quand le sentier arrive sur un petit plateau, vous y êtes!

Josh à l'arrivée sur le secteur du haut.

Sur ce secteur, constitué d'une variété de blocs entre l'échauff' et les projets, je conseille le bloc « The big Lebowski » en 7C, qui se trouve en redescendant le chaos de bloc sur quelques dizaines de mètres. Il se reconnait aisément grâce à sa longue proue coupée au couteau. Le bloc se démarre sur une marche évidente en bas de la proue, puis remonte celle-ci jusqu’à de bonnes pinces, pour ensuite virer à gauche dans le mur avec une belle croix de fer. Pour plus d'infos sur le secteur, visitez le blog de Josh.

Juste avant le crux de "The Big Lebowski".

Juste après le crux de "The Big Lebowski".

Bonne nouvelle, nous avons passé de nombreux jours à développer un secteur plus bas dans le canyon, qui permet d’économiser 30 bonnes minutes de marche ! Le chaos est assez évident, situé autour du chemin de randonnée lorsque celui-ci passe sous des arbres, au milieu de blocs d'une dizaine de mètres de haut. Pour se repérer facilement, vous verrez la belle arête du bloc « Snake nest » en 6B, à gauche du chemin.

Pat dans "Snake nest". Repère pour le secteur du bas.

En passant derrière ce bloc puis en longeant l’énorme amas de blocs à gauche jusqu’à passer sous un petit tunnel naturel, vous tomberez sur trois autres blocs. A gauche, la dalle « White light » en 6B, très technique et en équilibre ; tout à droite vers l’arbre le léger dévers « Tropic drops » en 6B; et enfin au milieu, la ligne « Rail project » encore en projet (8a ou plus) qui se compose d’un jeté en diagonal et donc nécessite une bonne quantité de crash-pads. Si vous descendez encore, en direction de l’est, vous tomberez sur un bloc un peu caché, mais unique pour le coin. Il s’agit de « Baby Mountain Rhino » en bon 7A qui est une version miniature du célèbre bloc Rhino de Rocklands en Afrique du Sud. C’est un superbe bloc à calage, compression, talons et gainage!


Fin de la dalle de "White Light". "Tropic drops" sur le mur derrière à droite et "The rail project" à gauche.

Josh dans "Tropic drops".

Adam dans "Baby Mountain Rhino".

Revenons maintenant sur le chemin : si vous regardez de l’autre côté, vous ne pourrez pas manquer la magnifique dalle plus haut. J’y ai nettoyé deux lignes, qui partent toutes deux de la marche évidente à hauteur de bras. En partant à droite, « Kung Foo » est un bon 7B+, technique, tout en placement et précision. A gauche, un bloc plus radical en 7B, avec un mouvement de sortie qui se fait de bas avec une inversée main droite et un pied très haut. Ces deux blocs sont impressionnants car ce sont des highballs, et les crux sont plutôt vers le haut.

La grande dalle de "Kung Foo", avant de la nettoyer.

Danny dans "Kung Foo".

Pour la petite histoire de « Kung Foo », le jour où nous y sommes allés pour les essayer, il a plu en continu, et nous avons attendu sous un rocher avec espoir que la pluie s’arrête. Celle-ci ne s’arrêtant pas, et frustrée que cela soit mon dernier jour dans le massif, j’ai sorti la corde et le grigri, et me suis mise dans le mur, tant pis si c’était mouillé ! Un peu de chance était de mon côté, puisque le mur en lui-même n’était pas mouillé, même si moi je recevais les gouttes. L’humidité ambiante était palpable et m’aura offert de nombreuses zipettes. Après de nombreux calages et essais, j’ai enfin enchaîné la ligne, toujours sur la corde en remontant le grigri quand je le pouvais. Pour ma sécurité, je ne me suis pas lancée dans un enchaînement sans corde, notre nombre de crashpads et de pareurs étant loin de suffisants.

Premier enchainement de "Kung Foo"... sous la pluie et au Grigri!

Un autre bloc que l'on a nettoyé, mais pas grimpé, en aval de "Kung Foo".

Les Trois Tétons

Oui, le massif des Tetons fait référence aux tétons de notre langue française. Ce sont des français qui ont fait les premières ascensions de nombreux sommets et ont été inspirés par leur forme pour les nommer. Les « Trois Tétons » sont donc les trois sommets distincts de la chaîne et sont depuis ce temps un challenge à accomplir. Bien que le challenge soit intéressant, ce n’est pas cela qui m’a séduit. J’étais tout d’abord bien attirée pour gravir le plus haut sommet de la chaîne, le « Grand Teton », culminant à 4200m. Et puis en 2015 j’avais remarqué, au dessus de notre camp de base à Garnet Canyon, une immense zébrure noire appelée « The Dike » . Ce " grand coup de pinceau vertical " traverse le Middle Teton d'une face à l'autre, des gencives de la face jusqu'au sommet sur près de 1000 m de haut. Cette bande noire est une intrusion de basalte due à un passage de laves volcaniques au travers de roches plus anciennes. Cette curiosité géologique a attisé mon œil de grimpeuse, me donnant l’envie d’y mettre les chaussons. Je suis donc partie cette année dans le Wyoming avec l’idée de gravir le Grand Teton ainsi que « The Dike » jusqu’au sommet du Middle Teton. Une fois sur place et en grapillant des informations auprès des locaux et sur internet, on s’est dit que ce pouvait être un chouette challenge de se lancer dans l’ascension de la trilogie du massif : Le Grand Teton (4200m), le Middle Teton (3900m) et le South Teton (3800m).

Nous sommes montés jusqu’aux Meadows de Garnet Canyon (2900m) le vendredi 21 juillet, le soir à la frontale, chargés pour deux nuits sous tente. Le matin du samedi 22 juillet, nous avons quitté le campement vers 7h pour commencer notre ascension du Grand Teton. Après plusieurs heures de marche plus ou moins raide, nous arrivons dans une montée raide et enclavée, où le vent fort et froid m’a presque incité à faire demi-tour. Après quelques dizaines de minutes dans ces conditions, nous avons bifurqué sur la droite pour rejoindre le départ de la voie « Upper Exum », qui se fait sur une vire nommée « Wall street », et le vent s'est calmé. Pour la suite nous nous sommes encordés, car cette voie nécessite des passages dans le 5 sur une arête, qui bien que peu difficiles sont évidemment engagés avec les centaines de mètres de vide en dessous. L’escalade était géniale sur un granite d’une qualité incroyable, pendant 1 ou 2 centaines de mètres. Lorsque que le relief redevient moins raide et que l’on se croit arrivé, il reste en fait une demi-heure de marche/grimpouille, ne nécessitant pas d’encordement. L’arrivée au sommet, vers 12h30, était bien récompensée avec un horizon à 360° sur tout le massif et très au delà, le Wyoming d’un côté et l’Idaho de l’autre.

Photo au sommet du Grand Teton, avec une super vue sur l'Idaho à gauche et le Wyoming à droite.

Un grand merci à notre ami Adam, étant du coin et connaissant bien le sommet. Il nous aura été bien utile pour optimiser cette première étape de la trilogie. Nous sommes redescendus ensuite au campement et avons passé l’après-midi tranquille, en prévision du lendemain.

Photo au sommet du Grand Teton, avec notre ami Adam

Réveil aux aurores le dimanche 23 juillet, en direction du Middle Teton par le " Dike ". Une bonne demie heure de marche nous a mené jusqu’à la base d’une pente de neige, juste en dessous du départ de la voie. Nous avons donc chaussé les crampons pour les dernières dizaines de mètres. Arrivé au pied de la voie, nous avons déchaussé les crampons, mais sommes restés en baskets pour l’escalade au dessus de nous, tout en s’encordant pour de la grimpe en simultané.

Notre campement au Meadows, avec le Middle Teton au milieu derrière. On peut voir nettement le "Dike".

La roche foncée était très classe et compacte, mais il fallait faire attention à ce que nous agrippions à quelques endroits, pour ne pas faire partir de pavé. Après une trentaine de minutes, le mur s’est raidi, et les passages sont devenus plus difficiles. Nous avons donc enfilé les chaussons et augmenté notre fréquence de pose de friends, bien que quelques sangles et vieux pitons fussent en place pour les petits crux (6a max). Après une petite heure de grimpe de cette façon, le mur est devenu nettement moins raide, nous permettant de faire une pause et d’enfiler les baskets de nouveau.

Fin de la section où nous avons dû enfiler les chaussons.

Jusque là, je conseille de rester sur la droite de la coulée noire (on s’est posé la question quelques fois, mais on revenait toujours là au final). Pour la suite de l’ascension jusqu’au sommet du Dike, qui était plutôt de la randonnée en posant les mains quelques fois, les baskets ont largement fait l’affaire, et les crampons alu ont été bien utiles pour traverser quelques névés.

Une des quelques zones de neige que nous avons traversé après la partie "grimpe".

Un sommet intermédiaire, appelé "le Dike Pinnacle", nous a fait quitté la trace noire pour la dernière centaine de mètres de dénivelés. Nous avons ensuite réalisé 2 rappels, pas si facile à trouver, d’une vingtaine de mètres, jusqu’à un col enneigé. Ce dernier nous a amené à remettre les crampons pour traverser le col sur une moraine, avec une ambiance "alpine" de chaque côté.

Le col enneigé que nous avons traversé, plus raide qu'il n'y parait et avec un sacré gaz de chaque côté.

La suite du parcours jusqu'au sommet , d’une heure environ était plutôt raide, nous obligeant à mettre les mains et quelques coinceurs/friends à certains passages, mais tout se faisait en basket. Le sommet du Middle Teton, atteint à 16h, nous a de nouveau offert une belle récompense avec la vue sur les environs.

Arrivée au sommet du Middle Teton, avec vue sur le Grand Teton atteint la veille.

Après un casse-croûte rapide et quelques gorgées d’eau, nous repartons pour redescendre jusqu’à un col à 3500m, où nous avons posé notre matériel. Nous avons enchaîné rapidement sur le South Teton, situé 300m plus haut, accessible par une pente bien raide. Nous y sommes arrivés vers 18h45. Nous n’y avons pas traîné puisqu’il nous fallait encore redescendre jusqu’au campement, voire jusqu’au parking.


Arrivée au sommet du South Teton... Plus qu'à redescendre dans la plaine que l'on voit en arrière-plan.

De grandes langues de neige nous ont permis de parfois accélérer la descente en exploitant leur glissade, d’autres nous obligeront à mettre les crampons pour leur raideur. Une fois au campement, à la tombée de la nuit, nous avons plié bagages pour redescendre jusqu’à la base du massif, au parking d’où nous étions partis. Nous atteignons la voiture à 23h50, le corps somnambule et la volonté bien compote, après une vingtaine d'heure non-stop d'un effort continu. Au relâchement de cette arrivée salvatrice, cette longue conti cardio-pulmonaire nous remémore qu'elle fait suite à la journée précédente!

Le corps exténués mais l'esprit pleinement rassasié, nous ne succomberons pas un grand repas en récompense... une pizzeria aura bien fait l'affaire.

Quelle aventure ! Bien que ce ne soit pas mes disciplines de prédilections, j’adore me retrouver au milieu de la montagne à randonner ou à renouer avec l’alpinisme. Ce sont des pratiques avec lesquelles j’ai approché les facettes de l’outdoor et de l’escalade très tôt dans ma jeunesse. A 6 ans, je bivouaquais sous les étoiles du fond du glacier noir en Oisans. Je n’ai malheureusement pas pu retoucher ces étoiles cette dernière décennie, en raison de mon implication dans les compétitions et mes études. Seuls nos raids à ski en hivers ont comblées mes envies de grands massifs. Je suis donc simplement contente d'avoir pu prendre le temps de parcourir cette trilogie.


Autres activités

Yellowstone

Ce passage dans le Wyoming m'aura aussi permis de visiter le parc de Yellowstone. Au milieu de nombreux autres touristes, nous avons ainsi pu observer l'éruption du geyser "Old Faithful", ainsi que se balader au milieu des magnifiques "Grand Prismatic", sources d'eaux pigmentées naturellement par des organismes vivants.



Psicocomp

Suite à ma très bonne expérience à la compétition de psicobloc (mur de 17m de haut au dessus d'une piscine) à Salt Lake city en 2015, j'y ai participé cette année de nouveau. Un peu moins de réussite de mon côté: la voie était un peu plus facile qu'il y a deux ans, et donc la rapidité prenait le dessus sur la difficulté technique, et j'échoue en demi-finale contre Michaela Kierch. Je finis à la troisième place. Je ne suis pas étonnée de voir Kyra Condie gagner cette édition, puisqu'en 2015, c'est elle qui m'avait contrainte le plus à me dépasser.


Prochain blog à venir sur le mois qui a suivi, que j'ai passé en famille en Bourgogne, ce qui est bien rare !